21 Mars 2001
Le Printemps le long de La Seine des Artistes


La facilité de se rendre à Chatou par le chemin de fer construit en 1837 contribue à l'essor rapide du canotage sur la Seine d'Argenteuil à Bougival. Dès le début du 19ème, les bords de Seine sont fréquentés pour leur charmes, leurs lumières et le dépaysement qu'ils procurent si près de Paris.

Les peintres
Un des premiers est l'anglais Turner qui dès 1830 a représenté des scènes de canotage devant le château de la chaussée à Bougival, puis Courbet ; ensuite une quantité incroyable de peintres découvrent la nature ; (une nouveauté la peinture en tube qui permet de s'installer avec son matériel où bon vous semble)
Tous ces artistes du mouvement impressionniste fréquentaient la rivière et certains canotaient (Monet, Manet, Sisley, Renoir, Berthe Morisot, Célestin Nanteuil et son célèbre canot la grenouille). Ils trouvèrent sur l'île la lumière et les reflets sur l'eau recherchés. Whistler, Caillebotte, Degas et son ami Lepic, A. Gauthier, Leloir, Heilbuth et bien d'autres moins connus furent des habitués.

  • · Renoir fréquenta assidûment le Restaurant Fournaise de 1868 à 1884. De nombreuses toiles de ce peintre montrent la Seine à Chatou et ses ponts, les canotiers, Alphonsine en plusieurs versions, son père. Pour l'un de ses plus célèbres tableaux, il fit poser ses amis sur le balcon du Restaurant. Ce fut "Le Déjeuner des Canotiers". On y reconnaît Alphonse Fournaise fils, sa sœur, la future Mme Renoir, etc.
  • · Maurice Realier-Dumas (1860-1928), jeune peintre catovien, vint retrouver les artistes : une idylle, qui dura jusqu'à sa mort, se noua avec Alphonsine. Il peignit sur les murs extérieurs du restaurant : "Les quatre âges de la vie" (restaurés de nos jours). Beaucoup d'artistes s'amusèrent à décorer les murs du porche, de la terrasse et de la salle du restaurant au 1er.
  • · Au début du 20ème, la rencontre de Derain né à Chatou et de Vlaminck fut un choc. Leurs premiers tableaux peints avec l'ardeur de la jeunesse ; une révolution était née : le fauvisme ou école de Chatou (atelier chez Levanneur) ce mouvement marque encore la peinture contemporaine

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    Les écrivains
    Le plus célèbre fut Maupassant (il avait sa chambre chez Fournaise), grand canotier, ses "contes et nouvelles" décrivent merveilleusement la vie de la rivière et de ses plaisirs : Yvette la Grenouillère, Mouche (Bezons), la femme de Paul (Fournaise) etc. sur l'eau une partie de campagne (Poulain à Bezons). Toutes ces nouvelles se déroulent entre Bezons et Bougival. Francisque Sarcey, critique dramatique, s’est également arrêté chez le père Fournaise ainsi les frères Goncourt "Manette Salomon", "le journal", récits de canotiers.

    La famille Fournaise. Alphonse Fournaise travaille très jeune dans l'île de Chatou. En 1857, il reprend le fonds de commerce et la maison élevée en 1844. Il sait profiter de la vogue du canotage et lance le restaurant, et ensuite le célèbre balcon. Madame Fournaise veille à la perfection de la cuisine ; Alphonse père s'occupe de l'organisation des fêtes nautiques. On le surnomme le "Grand Amiral de Chatou". Sa fille est l'attrait de la Maison par la grâce de son accueil, sa beauté et son charme.

    La Maison Fournaise est vendue en 1953. Divisée en logements , elle se dégrade très rapidement. Pour la sauver, la Ville de Chatou l’acquiert en 1990 et procède à sa rénovation complète. Les façades ont retrouvé l'aspect qu'elles avaient à l'apogée du restaurant vers 1880. Le décor mural extérieur ainsi que celui de la salle principale du restaurant ont pu être restaurés ou reconstitués en grande partie. Le restaurant a retrouvé sa vocation et un musée municipal a été aménagé pour évoquer la mémoire des lieux.

    La Machine de Marly : Les terres de Bougival ont longtemps appartenu aux seigneurs de Marly. Cependant, en 1681, Louis XIV fait l'acquisition des terres nécessaires à la construction d'une machine baptisée "Machine de Marly", destinée à envoyer les eaux de la Seine alimenter les bassins du château de Marly. Après l’édification d'un aqueduc, elle fournit également les eaux du château de Versailles. Elle a été édifiée sur requête de Colbert, par Arnold de Ville, qui semble s’être approprié les mérites de l’invention du Liégeois Rennequin Sualem. Ce génial analphabète liégeois avait trouvé le moyen de faire franchir à une colonne d’eau une dénivellation de plus de 100 mètres. Quatorze roues à aubes de 12 mètres de diamètre barraient ce bras de la Seine, et communiquaient leurs mouvements à des pompes par l’intermédiaires de bielles.
    Auparavant, il avait réalisé cette machine pour le Château privé de Modave à 30 km de Liège où la dénivellation était de 50 m. Cette extraordinaire machine fut pour les contemporains un objet de notoriété et d'étonnement, mais aussi d'effroi. Elle avait, en effet, également ses nuisances. Outre le bruit assourdissant des bielles, elle provoqua, en barrant une grande partie de ce bras de la Seine, la ruine de la navigation et du port

    Au milieu du 19ème, l'avènement du chemin de fer modifia profondément la vie des communes qui bordaient la Seine de Rueil à Bougival. La première ligne, inaugurée en 1837, relia, en effet, par étapes, la gare Saint-Lazare à Saint-Germain-en-Laye. Les Parisiens prirent l'habitude de venir passer le dimanche à la campagne. Des guinguettes s'ouvrirent pour les accueillir tout au long du trajet, et les loueurs de barques les transformèrent en canotiers. Des peintres les suivirent, venus croquer sur le vif paysage et scènes dominicales.
    Bougival, qui avait déjà séduit par le passé Corot et Turner, se mit, alors, à l'heure impressionniste. "Bords de Seine à Bougival" d'Alfred Sisley, "Jardin à Bougival" de Berthe Morisot, "Le pont de Bougival" de Claude Monet ou "La danse à Bougival" d'Auguste Renoir figurent parmi les oeuvres les plus fameuses de ce "musée imaginaire" dans lequel la ville rêverait, à la manière de Malraux, de réunir tous les tableaux qu'elle a su inspirer.
    Bougival devient alors un lieu très fréquenté par de nombreuses célébrités. L'écrivain Tourgueniev, la cantatrice Pauline Viardot, le musicien Georges Bizet, qui y composa "Carmen". De nombreux autres écrivains y vinrent en visite, tels Gustave Flaubert et Guy de Maupassant, ou encore Saint-Saëns et Gabriel Fauré.

    La promenade de la célèbre Grenouillère nous mène de l’île de Chatou à Bougival en longeant les quais chers aux artistes peintres. Ce « Chemin des Impressionnistes » met en scène des reproductions de tableaux réalisés sur des plaques émaillées. Elles ont les dimensions exactes de l’œuvre et sont placées aux endroits précis où les peintres les ont conçues. Il se poursuit tout au long des chemins de Carrières-sur-Seine, Chatou, Louveciennes, Marly le Roy et Le Port-Marly.

    Maison de Mistinguett : 3, quai Rennequin Sualem
    La célèbre actrice et meneuse de revue, partenaire de Maurice Chevalier, possédait cette propriété. Elle y est décédée le 5 janvier 1956. Les initiales J.B. sur la porte sont celles de son véritable nom, Jeanne Bourgeois.

    Cette route continue par Louveciennes et Marly mais, c’est une autre histoire pour une prochaine balade.